De la difficulté d’être à la fois Betty Elms et Diane Selwyn

DEUIL ET MÉLANCOLIE
16 ans après, retour à Mulholland et résolution de l’enquête

Je ne vais pas accentuer le mystère et la confusion qui entourent le film de Lynch en n’introduisant pas le texte qui suit. Deuil et Mélancolie, écrit par Freud en 1915 a été publié deux ans plus tard. En lisant ce texte, c’est le film que j’ai revu : Mulholland Drive, sorti en 2001, vu en dvd à Rouen, quelques années plus tard, et puis, encore après, vu et revu en salle, à Paris. Ce film fascinant, presque obsédant, je croyais l’avoir compris. Il continuait de m’étonner mais j’y retournais comme en terrain connu. Et en lisant ce texte, je l’ai redécouvert. Ou plutôt je suis allé, encore plus loin en lui. Encore plus loin dans l’esprit et le corps du film. David Lynch, sans doute le plus grand des cinéastes naturalistes, n’a d’autre matière pour écrire et filmer que les pulsions et les affects humains. Ce devrait être le cas de tous les cinéastes, c’est le cas des plus grands, mais nul n’égale l’extrême lucidité de Lynch. Personne actuellement ne livre de cinéma qui soit plus connecté à la fois au cerveau et au ventre. Son cinéma est vivant parce que le film est chez lui comme une membrane qui bat à la cadence d’un cœur humain. À la différence des machines de Kubrick et Resnais, où la chair, pourtant omniprésente, pouvait paraître froide car uniquement accessible par le truchement du cerveau, le cinéma de Lynch s’offre comme un corps humain autant esprit que chair. L’un ne vient pas sans l’autre, avant l’autre ou au-dessus de l’autre : car l’autre est toujours là, dans une co-construction. 

Voilà, donc, ce qui me semble être une clé du plus beau des films que j’ai pu voir. 

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